Print

INTRODUCTION

 

Christine BENAVIDES

Université des Antilles et de la Guyane – CRPLC UMR 8053

 

 

La présente base de données porte sur les normes juridiques de l'Espagne péninsulaire avec d’une part, les lois qui font référence aux esclaves, et d’autre part, celles qui concernent les maîtres, ainsi que tous les autres individus libres dans leurs rapports avec la population asservie. Certaines lois du XVIe siècle font référence au « semoviente », « lo que por sí mismo se mueve como los ganados, etc. » (Diccionario de Autoridades, Gredos) ce qui se meut par soi-même, comme le bétail, etc. Ce « etc » renvoie indiscutablement aux esclaves, sans oser les nommer. Nous avons inclus également les éléments sur le servage pour faciliter les distinctions avec l’esclavage. En revanche, il convient de noter que l'actuelle recension ne concerne que les textes législatifs et réglementaires propres au Royaume de Castille et rédigés en langue castillan. Enfin, dans une deuxième phase de ce travail, la sélection inclura également les législations relatives aux anciens territoires coloniaux dont ceux, moins connus nous semble-t-il, des Indes orientales, c’est-à-dire les îles Philippines et leurs dépendances.

 

Cette première sélection comprend les législations et/ou réglementations extraites de la Novísima Recopilación de Leyes de España, dividida en XII libros, en que se reforma la recopilación publicada por el señor Don Felipe II en el año de 1567, reimpresa últimamente en el de 1775 ; y se incorporan las pragmáticas, cédulas, decretos, órdenes y resoluciones reales no recopiladas y expedidas hasta el de 1804, Madrid, 1805-1807, 6 tomos. Puis, le recensement des textes législatifs a été effectué à partir d’une part, de la Recopilación de las leyes destos reynos hecha por mandado de la magestad catholica del Rey don Philippe segundo nuestro señor. Contiene en este libro las leyes hasta el fin del año de mil y quinientos y sesenta y ocho, excepto las leyes de partida y del fuero y del estilo, y tambien van en el las visitas de las audiencias. Acabose la primera impression en Alcala de Henares, en casa de Andres de Angulo, a onze dias del mes de Enero, de 1569 años ; et d’autre part, de celle d’Alcala de Henares, en casa de Juan Iñiguez de Lequerica, impresor de libros, 1598, qui contient quelques modifications substantielles.

 

L’intérêt de ces documents n’est certes pas à démontrer. En effet, ils constituent des outils fondamentaux pour tous ceux qui à travers la législation espagnole cherchent à mieux connaître l’époque de l’Ancien Régime. Ils facilitent la compréhension des enjeux entre l’Etat, les institutions et les individus, en considération de leurs statuts, des ordres féodaux auxquels ils appartiennent, ainsi que de leurs religions et de leurs origines géographiques. Nous y retrouvons non seulement les créations des institutions, les Consejos (l’équivalent des ministères actuels) et les objectifs fixés mais aussi les modifications apportées et leurs évolutions au cours du temps. Chacune des responsabilités et compétences des institutions et des agents concernés y est définie. Les textes y sont ordonnés par tome, livre, titre et loi.

 

Plusieurs sites Internet hébergent des textes législatifs espagnols, notamment la Biblioteca virtual Miguel Cervantes http://www.cervantesvirtual.com/. Les universités espagnoles ont également réalisé un travail considérable en numérisant de nombreux ouvrages législatifs de références et d’autres plus rares. Néanmoins, ces textes n’ont fait l’objet d’aucun classement précis sur les lois relatives aux esclaves, du moins à notre connaissance et jusqu’à ce jour. Il existe toutefois, quelques sites qui mettent à disposition certains textes juridiques qui porte précisément sur les esclaves : http://www.cedt.org/index.htm. Tout d’abord, il ne s’agit pas exclusivement de normes juridiques. Dans ces documents, les lois castillanes et catalanes numérisées intéressent essentiellement les époques médiévale et contemporaine. En ce qui nous concerne, nous aurons soin de toujours préciser nos sources et de mentionner les hyperliens. Nous remercions tous les chercheurs et les collaborateurs qui ont procédé à la mise en ligne de ces documents.

 

Novísima Recopilación de Leyes de España, dividida en XII libros, en que se reforma la recopilación publicada por el señor Don Felipe II en el año de 1567, reimpresa últimamente en el de 1775 ; y se incorporan las pragmáticas, cédulas, decretos, órdenes y resoluciones reales no recopiladas y expedidas hasta el de 1804, Madrid, 1805-1807, 6 tomos.
Cette compilation peut être consultée dans sa version intégrale et en pdf sur le site : http://archive.org/details/novsimarecopila00spaigoog

 

RLE : Recopilación de las leyes destos reynos hecha por mandado de la magestad catholica del Rey don Philippe segundo nuestro señor. Contiene en este libro las leyes hasta el fin del año de mil y quinientos y sesenta y ocho, excepto las leyes de partida y del fuero y del estilo, y tambien van en el las visitas de las audiencias. Acabose la primera impression en Alcala de Henares, en casa de Andres de Angulo, a onze dias del mes de Enero, de 1569 años.

 

Recopilación de Leyes de los Reynos de las Indias. Mandadas imprimir y publicar por la Magestad católica del rey Don Carlos II. Nuestro Señor. Va dividida en Quatro Tomos, con el Índice general, y al principio de cada Tomo el índice especial de los títulos, que contiene, por Julián de Paredes, Madrid, 1681.

Archivo digital de la legislación en el Perú http://www.congreso.gob.pe/ntley/LeyIndiaP.htm

 

Memoria chilena Biblioteca nacional digital de Chile :

http://www.memoriachilena.cl/temas/dest.asp?id=elderechoindianorecopilacion

Universidad de Sevilla : http://fondosdigitales.us.es/fondos/libros/752/14/recopilacion-de-leyes-de-los-reynos-de-las-indias/

 

 

 

Pour mieux utiliser cette base de données , quelques éléments de cadrage historique ont paru utiles.

 

Le Royaume de Castille apparaît comme une entité politique autonome de la péninsule Ibérique au IXe siècle. Il est l’un des nombreux royaumes chrétiens qui prennent naissance après l’effondrement de l’empire wisigoth en 711. La Castille est d’abord un comté vassal du Royaume de León. Entre le XIe et le XIIe siècle, elle procède à une expansion farouche. Après diverses alliances, successions et guerres, l’unification du royaume de Castille et Léon est scellée. Alphonse VI (1047-1109) réalise la première unification chrétienne. En effet il est roi de León (1065-1109), de Galice (1071-1109), de Castille (1072-1109). Il prend également Tolède en 1085. Au cours du XIIIe siècle, d’autres territoires sont reconquis aux Musulmans, Cordoue en 1236, Jaén en 1246, Séville en 1248 et Murcie en 1266. Toutefois des particularismes, linguistiques certes, mais aussi politiques et juridiques sont maintenus dans les différents territoires.

 

La question de l’esclavage dans l’Histoire de l’Espagne ne concerne pas exclusivement les individus issus de l’Afrique noire, victimes de la traite à l’époque du commerce transatlantique. Du Moyen-Âge à l’époque moderne, nombreux ont été les Chrétiens, Castillans ou Aragonais notamment, mis en esclavage, sur le territoire péninsulaire ou capturés par les Maures et déportés de l’autre côté du détroit de Gibraltar. Ces Chrétiens figurent dans les textes législatifs sous l’appellation « captifs ». En outre, les Maures « Moros » présents dans la péninsule ont été eux aussi asservis « gazies » par les Chrétiens. En effet, la présence politique mauresque débute avec la conquête du royaume wisigoth en 711, jusqu’à la reconquête du dernier Emirat Nasride de Grenade, en 1492, par les Rois Catholiques. Cette situation a entraîné tout d’abord un esclavage de guerre, qui s’est maintenu en raison de la Conquête musulmane et de la Reconquête menée par les Chrétiens. Cette forme d’esclavage réciproque des Musulmans et des Chrétiens s’est poursuivie jusqu’à la période moderne.

 

La religion des individus ainsi que l’importance des convertis, forcés ou volontaires, sur le territoire sont aussi des paramètres à considérer. Ainsi, à l’époque médiévale et en Castille tout au moins, la législation tend à interdire aux individus de confession juive et musulmane la possession d’esclaves chrétiens (Partida IV, título XX, ley VIII). De plus, le roi prohibe la présence d’esclaves chrétiens sur ses terres. Puis, la présence inquisitoriale et son influence au cours de l’Ancien régime entraînent une chasse féroce des convertis. L’inquisition espagnole est une organisation répressive complexe élaborée au service de l’absolutisme confessionnel (1480-1834). Le contexte historique est à considérer pleinement. Quelques rappels s’imposent. Isabelle Ière obtient, en 1474, la couronne des Royaumes de Castille de León, de Galice, de Tolède, de Séville, de Cordoue et de Murcie. Son époux, Ferdinand d’Aragon, devient à son tour souverain des différents territoires de la couronne d’Aragon en 1479. La Couronne d’Aragon compte alors les territoires d’Aragon, de Catalogne, Valence, Baléares, la Cerdagne, Naples et la Sicile. Ce mariage qui avait été scellé en 1469 permet ainsi d’unifier les territoires. Le couple forme un exemple unique sans doute de double monarchie, de 1479 à 1504 (décès d’Isabelle Ière) où chaque souverain conserve néanmoins une autonomie de ses territoires propres, et par conséquent une législation spécifique, tout en préparant l’unification de l’Espagne du siècle suivant. Puis, le Saint Siège, avec à sa tête, le pape Alexandre VI leur décerne le titre de Rois Catholiques, en raison de leur politique religieuse. Ils réorganisent le Tribunal de l’Inquisition (1480). L’année 1492 est décisive puisqu’elle marque la prise de l’Emirat de Grenade des Nasrides (1248-1492), dernières terres mauresques de la péninsule ibérique, dernier bastion de l’Al-Andalus qui, pour les Castillans, marque le point final de la Reconquête. La proclamation du décret de l’Alhambra impose aux juifs de se convertir au christianisme ou de quitter le vaste territoire du Royaume de Castille et d’Aragon. Les Rois Catholiques apportent leur soutien à Christophe Colomb. De sorte que le territoire du royaume de Castille et d’Aragon s’étend rapidement aux Indes occidentales après la découverte des Caraïbes et des Amériques. Un édit de conversion similaire sera ensuite appliqué aux Musulmans, en 1502, après l’abrogation par les Rois Catholiques des accords qui leur permettaient, malgré la défaite, de conserver sur le sol castillan, leur foi et leurs coutumes islamiques. Ces convertis sont alors désignés sous l’appellation de morisques. Ces derniers sont à leur tour expulsés, en 1610.

 

Précisons que tous ces convertis, ces nouveaux chrétiens morisques, marranes ou crypto juifs n’ont jamais été intégrés dans la monarchie catholique. On distinguait ainsi ces convertis des vieux chrétiens, lesquels prétendaient être dénués de toute ascendance juive ou musulmane. Ils revendiquaient leur pureté de sang. À la fin du XVI siècle, se sont développés le concept et le statut de pureté de sang « limpieza de sangre ». Tous ceux qui ne pouvaient s’en prévaloir se voyaient interdire l’accès aux fonctions des institutions civiles ou ecclésiastiques.